Les sénateurs ont adopté mardi dernier un amendement qui supprime l’aide médicale d’État (AME) et la transforme en aide médicale d’urgence. Les médecins s’opposent vigoureusement à cette mesure. Ils promettent de désobéir au nom du serment d’Hippocrate.
Mardi 7 novembre, le Sénat a adopté, à 200 voix pour et 136 voix contre, un amendement qui supprime l’aide médicale d’Etat (AME). La Chambre haute du Parlement a prévu à la place une « aide médicale d’urgence », qui implique une réduction drastique du panier de soins proposés. En effet ce dernier dispositif ne prend en charge que quelques cas, dont les maladies graves, les douleurs aiguës, les soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive.
Plus de 380.000 personnes concernées fin 2021
Mise en place depuis 2000, l’aide médicale d’Etat permet aux étrangers en situation irrégulière en France de bénéficier d’un accès gratuit aux soins, sous certaines conditions. Il faut notamment prouver sa présence sur le territoire français depuis plus de trois mois, et ne pas dépasser un certain seuil de revenus. Accordée pour un an, l’aide concernait plus de 380.000 personnes fin 2021, selon un rapport sénatorial. L’AME est critiquée de longue date par la droite et l’extrême droite, aujourd’hui majoritaire au Sénat et à l’origine de l’amendement.
Une incitation à l’immigration irrégulière ?
Les élus LR et RN pointent un budget trop important, qui représente 1,2 milliard d’euros. Ils dénoncent surtout un appel d’air à l’immigration irrégulière avec l’aide médicale d’Etat. « L’AME n’est pas un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration dans notre pays », a rétorqué Agnès Firmin, la ministre déléguée aux Professions de santé. Pour elle, la suppression de l’aide médicale d’Etat n’est qu’un exécutoire de désirs refoulés dans le cadre du projet de loi immigration, texte dans lequel cette mesure a été adoptée.
Un dispositif de santé publique avant tout
Le gouvernement n’a pas encore exprimé son accord ni son opposition à l’amendement adopté par le Sénat mardi dernier. Mais le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a indiqué qu’il ne « souhaitait pas » que le texte reste en l’état. Pour sa part, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a assuré que l’exécutif ne souhaitait pas voir l’aide médicale d’Etat basculer dans un dispositif type aide médicale d’urgence. Interviewé ce dimanche 12 novembre sur franceinfo, il a rappelé que l’aide médicale d’État reste « un dispositif de santé publique ».
Les médecins publient une déclaration de désobéissance
Si le gouvernement n’a pas une position figée sur la question, les médecins, eux, rejettent l’amendement du Sénat. Dans un appel transmis le samedi 11 novembre à l’AFP, quelque 3 500 praticiens salariés et libéraux s’engagent à « désobéir » et « continuer de soigner gratuitement » les sans-papiers malades si le dispositif venait à disparaître. « Moi, médecin, déclare que je continuerai à soigner gratuitement les patients sans papiers selon leurs besoins, conformément au serment d’Hippocrate que j’ai prononcé », indiquent les professionnels de la santé. Après le Sénat, l’Assemblée nationale doit examiner le texte sur l’aide médicale d’Etat en décembre prochain.