La rédaction 30 avril 2025

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin envisage de faire participer les prisonniers aux frais d’entretien pénitentiaire, provoquant une certaine stupéfaction.

Il fallait oser. Dans un entretien accordé au journal télévisé de 20h sur TF1 lundi 28 avril, Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a dévoilé une série de mesures visant à transformer le système carcéral français dans un contexte de tension croissante sur le secteur.

Au cœur de ces annonces, figure une proposition particulièrement audacieuse : faire contribuer financièrement les détenus à leur propre incarcération. « Aujourd’hui, le fonctionnement de nos prisons coûte 10 millions d’euros par jour, quasiment quatre milliards d’euros par an », a fait valoir le garde des Sceaux, annonçant son soutien à la proposition de loi initiée dans ce sens par Christophe Naegelen.

Ce dernier, député LIOT des Vosges, a en effet déposé le 11 mars dernier, un texte destiné d’après les termes rapportés par Le Monde, « à instaurer une contribution forfaitaire et obligatoire des détenus condamnés et incarcérés ».

Pour justifier cette mesure, Darmanin évoque un précédent historique : « Jusqu’à 2003, les détenus participaient aux frais d’incarcération. Comme il y a un forfait hospitalier, il y avait un forfait de présence dans la prison« .

Un flou artistique

Si un tel précédent existe vraiment, il ne tient pas vraiment la comparaison. À en croire Melchior Simioni, chercheur spécialiste de l’économie carcérale, cité par Le Monde, cette ancienne taxe, introduite au XIXe siècle, ne concernait que les détenus travaillant pour le secteur privé – soit environ 15% de la population carcérale – et était plafonnée à 45 euros par mois.

Cependant, ce système a été abrogé sous la présidence de Jacques Chirac, car considéré à l’époque comme « à bout de souffle » et « particulièrement inégalitaire », puisqu’il ne concernait qu’une portion restreinte des détenus, soit les 20 à 25% des travailleurs.

Comment la nouvelle ambition portée par le duo Naegelen-Darmanin va-t-elle donc se concrétiser ? C’est le flou artistique pour l’instant de ce côté-là. La proposition du député se contentant seulement d’établir un principe général.

À savoir, l’instauration d’une « contribution forfaitaire pour chaque jour d’incarcération », dont le montant serait fixé par décret et pourrait atteindre « 25% maximum du coût moyen d’incarcération journalier ».

Indignation quasi générale

Trois mécanismes sont notamment envisagés : un prélèvement sur les ressources personnelles du détenu, sur les revenus de ses proches, ou sur sa rémunération en cas de travail carcéral. De quoi susciter l’inquiétude des associations de défense des droits des détenus à propos des conditions pratiques de mise en œuvre et des conséquences sur les plus vulnérables.

« Le ministre de la Justice poursuit sereinement son entreprise de démagogie carcérale », cingle l’Observatoire international des prisons (OIP) dans un communiqué publié le lendemain.

« Faut-il rappeler que plus de la moitié des personnes détenues sont sans emploi avant leur entrée en prison, que près d’un tiers d’entre elles sont confrontées à une situation d’hébergement précaire et que 8% se déclarent sans domicile ?« , ajoute le texte.

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