
La justice française ordonne la suspension de l’arrêté gouvernemental visant à bloquer les sites pornographiques européens, estimant qu’il était incompatible avec le droit en vigueur au sein de l’Union.
Et hop ! Pornhub, YouPorn et RedTube sont de nouveau accessibles sur le territoire français depuis ce vendredi 20 juin, comme l’a annoncé la veille le groupe canadien Aylo, propriétaire de ces sites pornographiques, sur décision du Tribunal admnistrati de Paris.
Celle-ci intervient deux semaines après la fermeture volontaire de ces plateformes par l’entreprise elle-même, qui voulait anticiper un blocage de la part de l’État français. Aylo avait en effet annoncé le 4 juin dernier la fermeture de Pornhub, YouPorn et RedTube dans l’Hexagone.
« Nous refusons de compromettre votre vie privée avec des mesures qui, paradoxalement, échouent à protéger efficacement les mineurs« , avait justifié l’entreprise pour expliquer son départ, alors que l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) s’apprêtait à agir contre ses sites.
En cause : une législation obligeant ces plateformes à vérifier l’âge des visiteurs pour protéger les mineurs de l’exposition à la pornographie. Le cadre juridique français estime qu’une simple case à cocher « J’ai plus de 18 ans », comme c’est actuellement le cas, ne suffit pas.
Désaccord autour de la vérification
Problème : les mesures de vérification d’âge proposées par l’Arcom, comme la vérification de la carte d’identité ou l’approbation de l’âge par un tiers habilité (banque, bureau de tabac…), sont jugées intrusives par Aylo et les autres acteurs du secteur pornographique concernés.
« La vérification de l’âge sur un site ne fonctionne pas. Elle ne protège pas les enfants et expose les données de millions de Français à des violations de la vie privée et à des piratages », affirme Aylo, soulignant que « cette loi symbolique ne fera rien pour protéger les enfants ».
« Exigez de votre gouvernement qu’il ait le courage de faire ce qu’il faut », insiste le groupe, qui renvoie aux géants de la tech comme Google, Apple et Microsoft la responsabilité de la vérification de l’âge des utilisateurs en amont, à partir du terminal d’accès.
Au cœur du labyrinthe juridique européen
Pour le tribunal administratif de Paris, saisi à la demande de la société Hammy Media LTD (propriétaire de xHamster), l’arrêté de blocage des sites pornographiques dont l’Arcom était chargée de l’exécution viole le droit européen.
Selon les juges, le texte souffre d’une « imprécision de ses termes » qui crée une « incertitude quant à son champ d’application », violant ainsi le principe de sécurité juridique. Une décision que de nombreux experts jugeaient prévisible.
« Soyez fiers d’être des amateurs« , a raillé Pierre Beyssac, porte-parole du Parti Pirate, organisation de lutte pour le partage libre des contenus culturels sur Internet, en s’adressant aux autorités françaises, qui ont décidé de se pourvoir en cassation.
« Ce type de contentieux n’est ni nouveau ni exceptionnel », indique la ministre chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, Clara Chappaz, auprès de l’AFP, dénonçant « une résistance juridique forte » de la part des sites concernés, « qui utilisent tous les moyens pour s’exonérer de leurs obligations ».