
Journaliste au Wall Street Journal, Keach Hagey retrace dans une nouvelle biographie le parcours trouble du patron de ChatGPT, symbole des contradictions de la Silicon Valley.
Son nom a été propulsé sous les projecteurs en novembre 2022, avec le lancement de ce qui représente à ce jour l’un de ses plus grands accomplissements : ChatGPT.
Mais cet outil d’intelligence artificielle, qui cumule désormais 300 millions d’utilisateurs actifs mensuels, n’est que la partie émergée de l’iceberg des ambitions de Sam Altman dans le secteur pourtant déjà foisonnant de l’IA.
La biographie que consacre Keach Hagey, journaliste spécialisée tech au Wall Street Journal (WSJ), à cet homme de 40 ans qui dès l’âge de huit ans manifestait déjà une fascination pour les ordinateurs, et dont la mère décrivait comme un enfant « né adulte », est aussi fascinante qu’inquiétante.
« Sam Altman. L’optimiste et le pari de l’intelligence » ne se contente pas de retracer le parcours fulgurant de celui qui incarne aujourd’hui ChatGPT et la révolution de l’intelligence artificielle.
Quand le profit efface les principes
L’ouvrage révèle surtout la transformation troublante d’un chercheur initialement préoccupé par les dangers potentiels de l’IA en entrepreneur prêt à tout pour dominer ce marché vertigineux, quitte à balayer les garde-fous qu’il appelait lui-même de ses vœux.
En 2015, Altman exprimait publiquement ses préoccupations sur l’intelligence artificielle générale (AGI), la qualifiant de « plus grande menace » pour l’humanité. Il est même allé jusqu’à préconiser la mise en place d’un « projet Manhattan » de l’intelligence artificielle, en référence au programme secret américain qui développa la bombe atomique pendant la Seconde Guerre mondiale.
Son objectif : réunir les meilleurs chercheurs, mobiliser des ressources colossales et établir un contrôle strict pour développer l’IA de manière sécurisée, avant que des acteurs malveillants ou irresponsables ne s’en emparent dangereusement.
Il change pourtant radicalement de posture en 2024. Ainsi, OpenAI, Google et Microsoft s’opposent désormais au décret de réglementation de l’IA signé par le président Joe Biden, alors qu’ils avaient eux-mêmes contribué à son élaboration.
L’obsession du pouvoir
Que s’était-il passé entre-temps ? ChatGPT a explosé. Les profits ont accru, de même que les perspectives de croissance. Le vent a tourné, et Altman avec lui. Avant même l’élection présidentielle qui a ramené Donald Trump au pouvoir en janvier 2025, le milliardaire libertarien Peter Thiel – qui surnomme Altman « le messie de l’IA » – avait orchestré le rapprochement entre le patron d’OpenAI et le futur président.
Cette volte-face révèle la fascination de l’homme pour le pouvoir sous toutes ses formes, une soif d’influence qui dépasse le cadre de l’intelligence artificielle. Dès 2016, alors qu’il dirigeait Y Combinator, le prestigieux accélérateur de start-ups de la Silicon Valley, Altman caressait déjà l’idée de se présenter à l’investiture démocrate pour la présidentielle américaine.
L’investisseur Paul Graham, cofondateur de Y Combinator disait d’ailleurs de lui en 2008 : « Vous pourriez parachuter Sam sur une île remplie de cannibales et revenir cinq ans plus tard, il serait le roi ».