
Au pouvoir depuis 42 ans, Paul Biya fait face à l’opposition de sa fille « rebelle » dans sa quête pour un huitième mandat très décrié.
À 92 ans, Paul Biya se dit convaincu de pouvoir continuer à diriger le Cameroun. Le « président-absent » comme le surnomment certains observateurs, au pouvoir depuis 1982, devra toutefois se passer du soutien de sa fille Brenda Biya pour rester au palais d’Étoudi.
Dans une vidéo publiée il y a quelques semaines sur TikTok, la jeune femme de 27 ans s’est retournée contre son père, allant jusqu’à renoncer à sa famille. « Ne votez pas pour Paul Biya, non pas à cause de moi, mais parce qu’il a fait souffrir trop de gens. J’espère que nous aurons un autre président », a-t-elle déclaré dans la perspective de l’élection présidentielle prévue pour le 12 octobre.
Cette prise de position ayant fait les choux gras des médias locaux et internationaux résonne particulièrement dans un pays semblant figé, à l’image du déclin physique de son nonagénaire de dirigeant.
Une princesse dorée dans un royaume en ruine
« L’infrastructure est en mauvais état. Les routes sont en mauvais état. Yaoundé ressemble à une poubelle à ciel ouvert avec des ordures partout », décrit l’avocat Muna Akera, ancien responsable de Transparency International et membre d’une coalition d’opposition en quête d’alternance.
Comme l’indique l’agence de presse britannique, le Cameroun est en pleine déliquescence, marqué par un PIB par habitant inférieur à son niveau de 1986 et une corruption endémique. Le conflit dans la région anglophone continue par ailleurs de semer des morts, dont le nombre est désormais estimé à plus de 6 500 depuis 2017.
Parallèlement, Brenda Biya, scolarisée dans un lycée prestigieux suisse puis formée en Californie, se vantait sur les réseaux sociaux de dépenser 400 dollars pour des trajets aller simple en voiture de luxe vers ses cours.
Un procès en Suisse a révélé plus tôt cette année qu’elle vivait à l’hôtel Intercontinental cinq étoiles de Genève, où des chambres lui sont réservées toute l’année grâce au soutien financier de ses parents.
Un scrutin une nouvelle fois joué d’avance ?
Dans un pays où la parole dissidente est réprimée, cette défection familiale fait l’effet d’un tremblement de terre politique. Brenda est d’ailleurs coutumière du fait. Elle avait déjà pris le monde de court l’année dernière en faisant son coming-out.
Une décision d’autant plus significative que l’homosexualité est réprimée au Cameroun. « C’était vraiment une bénédiction pour la communauté LGBT, la meilleure façon de gifler son père », se réjouit Shaqiro, femme transgenre et influenceuse désormais en exil en Belgique après son arrestation en 2021, auprès de Reuters.
« Pour moi, Dieu fait payer Paul Biya en lui donnant un enfant très têtu », poursuit-elle. Reste que les jeux semblent, une nouvelle fois, déjà pipés en faveur du pouvoir, concernant les résultats de cette présidentielle. « Plus un pays est corrompu, plus il est difficile de changer le régime », tranche Muna Akera.