Les États-Unis appellent à ouvrir le plus largement possible le processus de considération des candidatures au secrétariat général des Nations unies. Cela pourrait potentiellement réduire les chances de l’Amérique latine jusque-là considérée comme prioritaire selon la tradition de rotation par région.
« Nous pensons que le processus de sélection pour un poste d’une telle importance doit être fondé uniquement sur le mérite, avec un éventail de candidats aussi large que possible. Dans cet esprit, les États-Unis invitent des candidats issus de tous les groupes régionaux ».
En quelques mots, l’ambassadrice adjointe des États-Unis auprès de l’ONU, Dorothy Shea, a peut-être ainsi brisé les rêves des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes dans le cadre de la course à la succession d’Antonio Guterres à la tête de l’ONU.
Arrivé au terme de dix années de mandat, le Portugais s’apprête à céder sa place à un successeur qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2027. Bien que plusieurs ambitions se dessinent, la rotation régionale voudrait qu’un représentant sud-américain soit favorisé.
Pour cause, l’actuel Secrétaire général est originaire d’Europe occidentale. Son prédécesseur, Ban Ki-moon, venait d’Asie (Corée du Sud), et avant lui, Kofi Annan représentait l’Afrique (Ghana).
Le genre s’invite dans les débats
Dans ce contexte, la prise de position américaine suscite l’agacement des pays latino-américains.
« Nous gardons l’espoir que, durant ce processus, l’expérience de leadership et les profils issus du monde en développement seront dûment pris en compte pour ce poste essentiel, en particulier ceux de la région Amérique latine/Caraïbes », a ainsi rétorqué le vice-ambassadeur du Panama auprès de l’ONU, Ricardo Moscoso, cité par Reuters.
Un autre élément marquant de la position américaine concerne la question du genre. « Après 80 ans, il est grand temps qu’une femme soit à la tête de cette organisation« , a déclaré l’ambassadrice du Danemark, Christina Markus Lassen, en écho à la préoccupation croissante face à l’absence historique de femmes à cette fonction.
Depuis sa création en 1945, l’ONU a été dirigée exclusivement par des hommes, malgré les nombreux appels à une représentation plus équilibrée entre les genres aux plus hauts niveaux de l’organisation.
Un lobbying sud-américain intense
Mais là encore, les rivalités persistent. L’ambassadeur russe auprès des Nations Unies, Vassily Nebenzia, rappelle que la rotation régionale n’est qu’une tradition, et non une règle gravée. Il affirme privilégier le mérite, avant tout, y compris devant le critère du genre.
Des analystes politiques soulignent que cette approche américaine s’inscrit dans un contexte plus large de réformes de l’ONU, mais aussi de repositionnement géopolitique. En élargissant le champ des candidats potentiels, les États-Unis pourraient chercher à favoriser l’émergence d’un leader plus aligné avec leurs priorités stratégiques.
« Mais il ne faut pas sous-estimer les Latino-Américains : ils feront un lobbying intense, en bloc, pour s’assurer que leur heure est venue », met en garde Richard Gowan, directeur de l’ONU au sein de l’International Crisis Group dans les colonnes de Reuters.


