En se ralliant à Soumaïla Cissé, pourtant l’archétype du politicien professionnel et déconnecté des réalités du peuple qu’il dénonce depuis plusieurs années dans ses émissions, Ras Bath a désorienté tous ceux qui voyaient en lui une promesse pour l’alternance au Mali. Résultat des courses : l’impact électoral du Rasta a été nul, et sa réputation durablement ternie.
A privilégier les calculs politiciens à court-terme, on perd parfois de vue l’essentiel. C’est exactement ce qui est arrivé à Ras Bath quand il a décidé de soutenir la candidature de Soumaïla Cissé pour la présidentielle du 29 juillet. Convaincu que le patron de l’URD était le mieux placé pour l’emporter, il a franchi le rubicond et a soutenu une figure politique contestée et symbolique de l’oligarchie qui contrôle le Mali depuis plusieurs décennies.
Du coup, l’ensemble des messages de Ras Bath pour le renouvellement de la vie politique, sa moralisation et le fait de placer les besoins des citoyens au cœur de l’action des gouvernants, sont devenus inaudibles. Par les actes, Ras Bath a embrassé la cause de l’ancien monde qu’il combat avec acharnement dans son émission de radio.
Toute la jeunesse, qui avait fait de Ras Bath une voix pour défendre leurs intérêts, a logiquement décroché quand elle a compris qu’il ne s’agissait en réalité que d’une voix pour défendre les siens… comme les politiciens corrompus que le Rasta dénonce à la radio et au travers de diverses interventions médiatiques.
Ras Bath a donc perdu son public en s’alliant avec un vestige du système qu’il fustige, mais il a également perdu une bonne partie de sa crédibilité. Et, c’est sans doute le plus important pour lui, avec la défaite électorale de Soumaïla Cissé, c’est l’opportunité d’entrer au gouvernement et d’intégrer l’élite politicienne malienne qui s’est envolée. Ras Bath ne sera pas ministre. Son mouvement, le Collectif pour la Défense de la République, ne fera pas son entrée à l’Assemblée Nationale malgré l’accord électoral négocié avec l’URD.
L’aventure politique de Ras Bath aura été un échec sur toute la ligne. L’histoire n’était pourtant pas vouée d’avance à la déroute. S’il avait écouté son cœur et les aspirations profondes de ses auditeurs, et plus globalement de la jeunesse malienne, Ras Bath aurait pu peser sur le scrutin. Tout le monde espérait qu’il accorderait son soutien soit à Cheick Modibo Diarra (ancien Premier Ministre vu comme un homme intègre) ou encore au charismatique homme d’affaires Aliou Diallo dont l’image de changement ne faisait de doute pour aucun malien. Avec l’un de ces choix qui paraissait prévisible pour les maliens, Ras Bath aurait pu amener les masses populaires qui se sont massivement abstenues à sortir massivement pour soutenir un de ces candidats proposant le vrai changement.
En refusant ce pari et en se positionnant du côté de ce qu’il pensait être la sécurité d’un cacique du pouvoir, Ras Bath a tout perdu. Pire, la jeunesse malienne a été une fois encore privée de sa voix lors d’une élection présidentielle. Ras Bath restera une figure très écoutée par curiosité mais qui ne pourra plus être prise au sérieux sur le plan politique.