Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi en Inde contre une loi sur la citoyenneté voulue par le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi. Selon ses détracteurs, cette loi vise à discriminer les musulmans, qui représentent 14% du 1,3 milliard d’Indiens.
Des milliers d’Indiens protestent depuis deux semaines contre la loi sur la citoyenneté, jugée discriminante pour la minorité musulmane. Vendredi 3 décembre, quelque 30.000 personnes ont encore défilé à Bangalore et plus de 20.000 à Siliguri, ainsi que des milliers à Chennai. Ce même jour, de grands rassemblements ont eu lieu à New Dehli, Guwahati et dans d’autres villes.
Pour les protestataires, la nouvelle législation sur la citoyenneté, adoptée le 11 décembre par le Parlement, est une tentative de détricoter les fondations laïques du pays. Elle prévoit la naturalisation des réfugiés Afghans, Pakistanais et Bangladais à condition qu’ils vivent dans le pays depuis décembre 2014 et surtout qu’ils ne soient pas de confession musulmane. Les musulmans deviendraient à terme des citoyens de seconde zone, voire des apatrides.
Au moins 27 morts depuis le début des manifestations
A New Dehli, les contestataires ont juré de poursuivre leur « résistance comme à Hong Kong», jusqu’à ce que la loi soit supprimée. «La police essaye de réprimer les manifestations de la façon la plus brutale qui soit dans une démocratie, mais nous ne céderons pas », a lancé à l’AFP Shristi, une étudiante de 19 ans.
Le ministre de l’Intérieur Amit Shah a assuré vendredi que la loi n’était pas discriminatoire et lancé une campagne pour lutter contre la « désinformation » des partis d’opposition.
Au moins 27 personnes ont péri dans les manifestations de ces dernières semaines et des centaines d’autres ont été blessées dans des affrontements avec la police.
La riche minorité chrétienne pourrait devenir la prochaine cible
Depuis 2014, le gouvernement nationaliste de Narendra Modi a entrepris une « hindouisation » de la société, ciblant les minorités et particulièrement les musulmans. Avec sa réélection en 2019, le parti au pouvoir, le BJP (Bharatiya Janata Party), et sa branche armée le RSS, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps des volontaires nationaux) ont accéléré le mouvement et semble bien décidé à concrétiser leur programme nationaliste : l’Inde aux Hindous.
« Ils ont changé de cap et alors qu’ils avaient fait jusque-là preuve de modération, ils montrent désormais des signes qu’ils veulent hindouiser la société indienne à marche forcée », analyse Nicolas Jaoul, chercheur à l’institut interdisciplinaire de recherche sur les enjeux sociaux (IRIS). Les musulmans ne sont d’ailleurs pas les seuls dans le collimateur de Modi. Il y aussi les chrétiens, dans le rang. « Les chrétiens passent un peu sous le radar pour le moment car ils jouissent d’un pouvoir solide, le Vatican, et c’est une minorité riche. », estime Charlotte Thomas, directrice du programme Asie du Sud du collectif de chercheurs Noria.