
En France, de plus en plus de voix plaident pour le déchargement de la responsabilité exclusive de la conception du budget du ministère des Finances.
Dans une intervention qui devrait faire prochainement beaucoup parler devant la commission de l’Assemblée nationale, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a proposé mardi 21 janvier, une réforme en profondeur du système de prévisions budgétaires français.
Autrement dit, la dévolution de cette tâche à une agence indépendante. « Il faut impérativement revoir notre façon d’élaborer nos prévisions en les tenant davantage éloignées de l’hubris du politique », affirme l’ancien ministre de l’Économie et des Finances sous François Hollande, cité par Le Monde.
Une référence à peine voilée à la déconfiture que s’est révélé être le budget en 2023 et en 2024. Le Sénat a en effet évoqué en novembre dernier, dans un rapport d’information, des dérapages criants à cet égard, pointant la responsabilité directe de plusieurs parties prenantes dans la situation.
Parmi celles-ci figure l’ancien patron de Bercy Bruno Le Maire, les anciens chefs du gouvernement Élisabeth Borne et Gabriel Attal, de même que le président de la République Emmanuel Macron.
Le HCFP à la rescousse ?
« Irresponsabilité budgétaire », « double discours », « attentisme et inaction dommageables », « mystification », sont entre autres termes utilisés par les sénateurs afin de décrire les causes des 6,1% de déficit – environ 50 milliards d’euros –, contre une prévision de 4,4 % du PIB, désormais constatés dans le cadre de du budget de 2024.
« Tant que la prévision sera le seul fait de l’administration, elle sera forcément soumise aux arbitrages gouvernementaux », déclare Pierre Moscovici, alors que la Chambre haute révèle que « le gouvernement connaissait l’état critique des finances publiques dès décembre 2023 », sans pour autant intervenir en conséquence.
Pour le président de la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), structure mise en place en 2012 et dont il tient également les rênes, pourrait être la candidate idéale pour donner davantage du relief aux prévisions budgétaires.
Selon Le Monde, l’institution chargée d’évaluer la crédibilité des prévisions économiques du gouvernement et la cohérence des objectifs budgétaires avec les engagements européens de la France, dispose aujourd’hui d’un rôle consultatif, l’empêchant de peser suffisamment sur les arbitrages.
S’inspirer des modèles européens
De quoi contraindre ses experts à se contenter d’analyse des prévisions de Bercy dans des délais décrits comme souvent très courts par le journal, et sans avoir accès à l’ensemble des documents nécessaires.
De fait, le HCFP se contente de qualifier les prévisions de plus ou moins « crédibles », « réalistes » ou « plausibles », un exercice d’équilibriste inopérant à l’évidence. La proposition de Moscovici s’articule autour de deux scénarios inspirés de l’Autriche, des Pays-Bas ou du Royaume-Uni.
Le premier consisterait à confier directement au Haut Conseil des finances publiques, la réalisation des prévisions utilisées pour les textes financiers. L’autre option verrait les missions du HCFP élargies avec un véritable pouvoir de validation des prévisions officielles.
L’exécutif serait ainsi contraint soit de modifier ses projections en cas de désaccord avec le Haut Conseil, soit de justifier publiquement son refus de le faire.