Opiniatre 27 août 2022
Valparaíso, Chile

 

Au Chili, la police a arrêté et placé en détention provisoire jeudi le leader mapuche Héctor Llaitúl considéré comme un terroriste par l’Etat. Son incarcération fait craindre un regain de violence dans la région sud du pays où son organisation mène une lutte pour la récupération du territoire indigène ancestral.

Des barricades érigées et des camions brûlés

Le jeudi 25 août, la police chilienne a arrêté et placé en détention provisoire le leader mapuche emblématique Héctor Llaitúl. Depuis plus de vingt ans, l’activiste aujourd’hui âgé de 54 ans mène une lutte pour la « libération » du territoire ancestral de son peuple, à la tête de son organisation CAM (Coordinadora Arauco Malleco). La région indigène est largement occupée et exploitée par des entreprises forestières.

Héctor Llaitúl a été arrêté par la police d’investigation alors qu’il déjeunait dans un restaurant. Des membres de sa communauté et de son organisation ont dressé des barricades et brûlé six camions dans la soirée. Ce qui craindre un regain de violence dans la région. Le ministère public chilien accuse le chef mapuche de vol de bois à des compagnies forestières, d’usurpation et d’attentat contre l’autorité. Il assure détenir des preuves (témoignages et d’enregistrements) de son apologie de la violence.

Une continuité de la répression sous Gabriel Boric

A l’origine de nombreuses accusations, la droite chilienne qualifie Héctor Llaitúl de « terroriste ». Elle pointe les actions de son groupe, qui incendie les camions des entreprises, volent leurs bois et bloquent les routes. Sous la présidence du conservateur Sebatián Piñera (2010-2014 et 2018-2022), une plainte a été déposée contre lui en 2020. Elle a été renforcée sous l’actuel gouvernement de gauche de Gabriel Boric, après que le militant a appelé à une lutte armée. Le chef critique aussi vertement le nouveau gouvernement, estimant qu’il n’apportera aucun changement véritable.

Au contraire, Héctor Llaitúl voit une continuité à travers la nomination par Boric, à la tête des appareils sécuritaires, de personnalités qui ont organisé la répression au temps de Bachelet (2006-2010 et 2014-2018). Il en veut pour preuve la prolongation de l’état d’exception en territoire mapuche, en mai dernier, pour dit-on faire face à l’intensification des violences. Cette décision constitue un véritable virage dans la politique du président chilien. En effet, il souhaitait rétablir le dialogue avec le peuple indigène, plutôt que de maintenir les militaires sur le territoire.

Héctor Llaitúl opposé au référendum du 4 septembre

Le revirement de Boric a été perçu comme une traîtrise dans son propre camp. Il renforce la déception de ses partisans déjà agacés par des difficultés économiques occasionnées par la pandémie et la guerre en Ukraine. C’est dans ce contexte de crise que 19 millions de Chiliens se prononceront par référendum sur un projet de nouvelle Constitution, le 4 septembre prochain. Bien que socialement progressiste, ce texte serait largement rejeté par les électeurs, selon des sondages.

La nouvelle Constitution prévoit de créer un État plurinational octroyant plus d’autonomie aux communautés indigènes, des garanties territoriales ainsi qu’une reconnaissance culturelle et linguistique. Héctor Llaitúl a déclaré que son peuple ne participera pas à ce referendum. « Quelle que soit la constitution sortante, nous ne pouvons pas nous y soumettre car elle ne sera pas la nôtre, elle ne le sera jamais. Nous nous battons pour pouvoir nous organiser à nouveau selon notre culture ancestrale. », a-t-il déclaré en mars dernier.

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